Dans les rayons de la médiathèque, j’ai feuilleté ce recueil de poésie de Fernando Pessoa et j’ai lu ce magnifique poème qui m’a touchée en plein cœur. J’avais oublié mon petit carnet et je ne pouvais pas le recopier. Alors, j’ai emprunté le livre pour le faire à la maison.
"Je suis sorti du train,
J’ai dit au revoir à mon compagnon de voyage,
Nous avions été ensemble dix-huit heures durant.
La conversation agréable,
La fraternité du voyage,
Ça m’a fait de la peine de sortir du train, de le quitter.
Ami occasionnel dont je n’ai jamais su le nom.
Mes yeux, je les ai sentis, se sont imprégnés de larmes…
Toute séparation est une mort…
Oui, toute séparation est une mort.
Nous, dans le train que nous nommons la vie,
Nous sommes tous occasionnels les uns les autres,
Et nous avons tous de la peine quand finalement nous débarquons.
Tout ce qui est humain m’émeut, parce que je suis un homme.
Tout m’émeut, parce que j’ai,
Non une ressemblance avec des idées ou des doctrines,
Mais la vaste fraternité avec l’humanité véritable.
L’employée de maison qui a quitté dans la tristesse,
Toute éplorée de saudades,
La maison où on ne la traitait pas très bien…
Tout cela est dans mon cœur la mort et le malheur du monde.
Tout cela vit, parce que cela meurt, au fond de mon cœur.
Et mon cœur est un peu plus grand que l’univers tout entier."
Fernando Pessoa, Poèmes d’Alvaro de Campos, Ed. Christian Bourgois, traduit du portugais par Patrick Quillier, avec la participation de Maria Antonia Camara Manuel, 2001, p. 280 ; livre emprunté à la médiathèque Jacques Duhamel de Sanary sur mer, cote P PES.
gourmandise de mots
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Et mon cœur est un peu plus grand que l’univers tout entier
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Gourmandise de mots : les roses de Pia Pera.
« Depuis leur première apparition, j’épie les boutons de rose minuscules et serrés, comme des écrins en miniature, tantôt ronds, tantôt allongés, avec parfois des pétales disposés capricieusement, par petites giclées. Chacun d’eux m’inspire une tendresse poignante, mêlée de curiosité envers les nuances, les formes comprimées jusqu’à l’invraisemblable. Et puis enfin, quelque chose transparaît : l’étreinte des sépales se relâche, tandis que la fleur pousse afin de s’ouvrir à la rencontre de la lumière. Pour le bouton, c’est la capitulation, et alors les rôles s’inversent : on voit la petite couronne de sépales ployée, vaincue, au pied de la fleur triomphante, tantôt dessinée selon des lignes Art nouveau, tantôt fluide comme dans la tache de couleur d’un impressionniste, tantôt avec des pétales disposés en corolle simple, comme dans un codex enluminé. » (p. 84)
Magnifique et émouvant livre de Pia Pera, Ce que je n’ai pas encore dit à mon jardin, Ed. Arthaud, traduit de l’italien par Béatrice Vierne.